Mesdames, Messieurs, je veux d’abord remercier le maire de Strasbourg, Rolland, et le président de la communauté urbaine, Jacques, pour leur invitation – une de plus – ici à Strasbourg et pour ce déplacement au cœur de ce quartier de la Meinau avec les élus de ce secteur.
J’ai conscience d’être ici dans un quartier en pleine transformation, qui illustre une politique de la ville, mais qui est essentiellement portée par les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Je suis, en effet, obligé de faire le constat que depuis cinq ans, les intentions proclamées en matière de rénovation urbaine et, plus largement, de politique des quartiers n’ont pas été traduites par des volontés publiques suffisamment fortes pour qu’il y ait des engagements à la hauteur des problèmes que rencontre la population de ces quartiers.
Je vais illustrer ce constat par quelques faits hélas incontestables.
Je suis venu dans le quartier de la Meinau aussi parce qu’au-delà de ce constat, je voulais montrer ce qui réussit. Et notamment ici, vous avez été capables de mener des opérations nouvelles de logement sur la base de ce que j’appelle « la règle des trois tiers », c’est-à-dire ces règles qui permettent la mixité sociale. Sur les 900 logements qui ont été réalisés, un tiers sont des logements locatifs sociaux, un tiers sont des logements en accession sociale à la propriété et un tiers sont des logements intermédiaires en accès libre – c’est-à-dire, finalement, de la propriété privée. Des logements sociaux dans les quartiers, mais aussi des logements en accession à la propriété. Et si je retourne ce principe, nous devons aussi avoir plus de logements sociaux dans les centres-villes. C’est tout l’enjeu du renouvellement de la loi de solidarité urbaine, la loi SRU, qui n’est pas appliquée correctement. C’est pourquoi j’ai fait la proposition de porter l’obligation pour les communes concernées de 20 à 25 % par rapport à la présence de logements sociaux, et de multiplier par cinq les sanctions pour les communes qui ne se conforment pas à cet objectif. J’ajoute même que lorsqu’il y a une mauvaise volonté de la part des élus concernés, je demanderai au préfet de se substituer au maire pour la délivrance des permis de construire permettant des opérations de logements sociaux.
Je ne veux plus qu’il y ait de ghettos dans la France et dans la République ! Ghettos de riches d’un côté, ghettos de pauvres de l’autre. Il n’y a qu’une France, et donc il doit y avoir partout un équilibre entre logements sociaux et logements du marché. Des quartiers plus ouverts, des quartiers plus divers, des quartiers plus verts : voilà ce que nous avons, ensemble, encore à faire.
Je salue ici la présence de deux sénateurs qui m’accompagnent et qui ont contribué à la préparation des engagements que je prends. Il y a Claude Dilain dont – hélas ! –, la notoriété est venue de sa situation de maire de Clichy, ville qui avait été l’objet, vous le savez, de drames et d’émeutes à partir de l’automne 2005. Claude Dilain qui, plusieurs fois, s’est adressé à toutes les autorités de la République en leur disant : « attention, il y a urgence, il y a alarme ! ». Et encore aujourd’hui, j’entends sa voix pour nous mettre en garde. Je salue aussi Thierry Repentin, sénateur de la Savoie, qui est le président des HLM de France – c’est-à-dire des sociétés, des organismes, bref, de tous les bailleurs sociaux. Il sait combien nous avons besoin de plus de logements. De logements sociaux, sûrement. De logements pour les jeunes, assurément. De logements pour les anciens. Mais aussi de toutes les catégories de logements. Une politique de la ville, c’est une politique du logement, avec des logements sociaux, avec des logements intermédiaires, avec des logements qu’on appelle libres et des logements permettant l’accession à la propriété.
L’exigence du logement est un droit fondamental dès lors qu’il se fait aussi à un coût raisonnable. Or depuis hélas plusieurs années, aussi bien les loyers que le prix de l’immobilier flambent. De nombreuses familles sont contraintes, maintenant, d’habiter toujours plus loin. Et d’autres se ruinent en consacrant jusqu’à la moitié de leur revenu aux dépenses de logements. La France de 2012 est une France où l’on a fait croire de manière insolente qu’il était possible de construire des maisons à 100 000 euros et d’autres à 15 euros par jour. Tant de désillusions ont été créées qu’aujourd’hui beaucoup de Français se sacrifient pour leur logement – et combien de fois ai-je entendu que de nombreuses familles sont mal logées, quand d’autres ne sont pas logées du tout ?
Il y a donc urgence ! J’encadrerai les loyers. Parce qu’il est juste que le loyer évolue entre deux locataires comme il évolue lorsqu’un locataire reste dans les lieux. Il ne s’agit pas d’un blocage. Il ne s’agit pas d’une mesure administrative. Il s’agit tout simplement de permettre, lorsqu’il y a un changement de locataire, qu’il n’y ait pas une opération spéculative qui se crée. Car si le loyer de voisinage est à 12 euros du mètre carré et que l’on fixe le loyer à ce niveau-là lors du changement de locataire, il n’y aura pas ce mouvement que nous connaissons d’inflation permanente qui crée l’escalade. C’est ce qui se passe depuis dix ans, et j’y mettrai donc un terme.
Mais nous devons aussi construire plus de logements. Ce qui suppose d’avoir un programme de logements sociaux bien plus important qu’aujourd’hui. D’où la proposition que j’ai faite de doubler le plafond du livret de Caisse d’épargne pour le porter jusqu’à 30 000 euros afin que nous puissions mobiliser des financements – près de 20 milliards – en faveur du logement.
Nous voulons aussi maîtriser les coûts. Les prix, ce n’est pas simplement le loyer ou l’achat du bien immobilier, c’est aussi la charge locative qui est liée, hélas, au chauffage. Nous avons aujourd’hui près de 4 millions de ménages qui vivent dans la précarité énergétique. Et contrairement à bien des idées reçues, ces personnes habitent davantage dans le parc privé que dans le parc social. Je m’engage donc à rénover 600 000 logements anciens par an, afin de réduire la facture énergétique de leurs occupants. Ce sera à la fois moins de coûts pour les locataires, mais ce sera aussi plus d’emplois pour les entreprises du bâtiment. Ces investissements seront financés sur un fonds dédié de la banque publique d’investissement, et également mobilisés à travers l’épargne populaire qui sera renforcée. Ces travaux, ce sont des emplois dans la filière du bâtiment – et notamment pour les jeunes des quartiers populaires.
Je connais bien les banlieues. Depuis plusieurs années, je vais de quartier en quartier. Je mesure les besoins. Je prends la dimension des problèmes qui étreignent des populations fragiles. Ces problèmes sont multiples. Il y a aussi un fait nouveau, qui s’est ajouté à tant d’autres : l’accès aux soins, le coût du soin à travers les dépassements d’honoraires et à travers les franchises médicales. Mais il y a aussi le manque de médecins et de professions de santé dans les quartiers. Ce n’est pas simplement vrai des zones rurales – que je connais bien, aussi. C’est vrai, maintenant, dans les quartiers. Même les pharmacies connaissent des difficultés. Et pourtant, je vous le confirme, on est malade partout – en tout cas, on peut l’être.
Dès lors, je m’engage à ce que, d’abord, personne en France ne soit éloigné d’un soin d’urgence de plus de 30 minutes. Deuxièmement, il y aura des pôles de santé regroupant des professionnels – il en existe déjà – qui seront installés, et notamment dans les quartiers populaires. Je favoriserai dans la formation des médecins, des jeunes médecins, des stages obligatoires dans les quartiers où il y a des déserts médicaux.
Mais, au-delà de la santé, il y a l’école, les services publics. Je rétablirai donc la promesse de l’école républicaine dans les quartiers. J’ai voulu que ma campagne soit tournée tout entière vers la jeunesse, et donc vers la jeunesse des quartiers. J’affecterai prioritairement les emplois créés dans l’Education nationale aux écoles situées dans les cités populaires. Il y a le nombre d’enseignants par élève, mais il y a aussi ce qu’ils peuvent et doivent enseigner. C’est toute la qualité de l’apprentissage dès l’école primaire, et du socle commun de connaissances – qui, aujourd’hui, est toujours autour des mêmes principes : lire, écrire, compter et, maintenant, cliquer.
Je rétablirai un fonctionnement plus équitable de la sectorisation scolaire car, comme je veux combattre les ghettos en termes de logements, je veux aussi lutter contre les ghettos scolaires qui se sont, hélas, reconstitués. Je pense aussi aux parents de ces élèves et à certaines familles, notamment monoparentales, où une mère d’origine étrangère n’a pas toujours la bonne connaissance de la langue française. Et même quand nous avons des familles installées depuis longtemps en France, françaises depuis toujours, il y a besoin également d’accompagner les parents.
J’ajouterai un autre défi pour nos quartiers. Ce n’est pas simplement de lutter contre l’échec scolaire, c’est d’atteindre l’excellence scolaire, c’est-à-dire pouvoir réussir, réussir dans les filières professionnelles mais réussir aussi dans les grandes écoles de la République. Tous les lycées de France devront avoir la possibilité d’envoyer leurs meilleurs élèves dans les classes préparatoires pour les grandes écoles. Toutes les classes préparatoires devront accueillir un certain nombre d’élèves venant de tous les lycées de France, pour que les enfants des quartiers puissent eux aussi, lorsqu’ils ont fait tout l’effort nécessaire pour se former, accéder aux grandes écoles de la République.
Mais j’ai bien conscience que l’enjeu principal, c’est l’emploi. Dans tous les quartiers où je me suis rendu, et encore ce matin ici à La Meinau, que m’ont dit les jeunes, que m’ont dit leurs parents ? D’abord l’emploi. Ici comme ailleurs, il y a des talents formidables qui ne demandent qu’à être utilisés. C’est souvent dans les quartiers populaires que la création d’entreprises est la plus dynamique, que l’envie de créer, d’innover, est la plus forte, d’accompagner des jeunes vers l’initiative. Il y a tant, là encore, d’engagements gâchés, d’envies de créer flouées, quand ce n’est pas méprisées ou discriminées, que je voudrais que toutes les compétences de nos quartiers soient valorisées. La création d’entreprises sera donc soutenue, notamment pour les petites entreprises. Là encore, une filiale de la Banque publique d’investissement sera dédiée à l’investissement dans les quartiers et à la création d’entreprises. Les 150 000 emplois d’avenir — ce que l’on appelait autrefois les emplois-jeunes — que je propose seront affectés prioritairement aux jeunes des quartiers populaires. 150 emplois jeunes dans un quartier de 10 000 habitants, cela change la donne pour de nombreuses familles !
Je sais aussi qu’il y a des jeunes qui sortent sans rien du système scolaire, 150 000 chaque année. Pour ces jeunes-là, il sera alloué un capital formation de 20 heures par an cumulables sans limite de temps, ce qui veut dire que ces jeunes-là pourront disposer dès le début de leur vie professionnelle de 800 heures de formation. Ils pourront les utiliser tout de suite. Ces heures seront cumulables avec des droits qu’ils pourront se constituer une fois qu’ils seront devenus salariés.
Je propose aussi, pour qu’il y ait une incitation forte pour l’embauche des jeunes des quartiers, de faire évoluer les zones franches urbaines afin de permettre la création de ce que j’appelle des « emplois francs », c’est-à-dire des emplois qui correspondent à l’adresse des jeunes et pas simplement à l’adresse des entreprises. Les jeunes des quartiers pourront donc avoir des exonérations de cotisations sociales parce qu’ils sont de ces quartiers. Nous mettrons en place ce dispositif, tout en accompagnant les zones franches.
Mais je n’ignore pas non plus que nous devons faire un effort supplémentaire sur les clauses d’insertion. Tout marché public qui sera dédié à un quartier, à une ville, devra correspondre à des clauses d’insertions sans plafond. Ce sera l’objet du mieux-disant. Les collectivités pourront faire leur choix entre les entreprises qui prennent des jeunes des quartiers et celles qui n’en prennent pas. Si je fais un plafond, chacune de ces entreprises s’adaptera. Je veux que ce soit, finalement, au plus haut, et ce sera un élément de la compétition et de la concurrence pour l’obtention d’un marché public dans une collectivité locale.
Je voudrais étendre cette clause d’insertion — et je le ferai — à toutes les commandes de l’Etat. Chaque fois que l’Etat ouvrira un marché public, là encore, il devra y avoir une place pour les entreprises qui se soumettent à cet appel d’offres pour l’insertion de jeunes des quartiers de nos villes.
Mais pour accéder à l’emploi, souvent des jeunes n’y parviennent pas faute de transport. Là encore, je lutterai contre l’enclavement. Faciliter l’accès aux transports, cela implique aussi une accessibilité en termes d’équipements — ce qui se fait à Strasbourg est de ce point de vue remarquable — mais aussi une accessibilité tarifaire. Je généraliserai donc la tarification solidaire, qui est d’ailleurs mise en place à Strasbourg, basée sur le quotient familial de l’usager, pour toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants.
Enfin, il y a la sécurité. C’est un droit fondamental. Ce sont les plus fragiles qui sont les premières victimes des violences, des trafics, les plus jeunes parce qu’ils sont l’objet de toutes les sollicitations, les plus anciens parce qu’ils sont les plus vulnérables. Je remettrai de la Police de proximité dans les quartiers. Les effectifs de Police seront mieux répartis, et les policiers mieux formés encore aux spécificités de leur mission dans ces territoires où l’intervention de la Police doit être à chaque fois exemplaire.
Je veux terminer par ma conception de la politique de la ville et de l’action pour nos quartiers.
La République est une et indivisible — on l’oublie parfois. Je vois fleurir tant de zones, ZRU, ZEP, ZUS, ZRR, ZFU… L’Etat multiplie les appellations pour en définitive dissimuler la faiblesse de ses interventions. Loin d’intégrer, ces formules sont en fait discriminatoires. C’est pour cela qu’il sera mis fin au zonage. Chacun a les droits que la République lui reconnaît. Et ceux et celles qui vivent dans les territoires qui sont les plus défavorisés auront une politique qui sera amplifiée en leur direction. Plus personne ne s’y reconnaît, dans les zones ! La zone d’éducation prioritaire ne recouvre plus la zone urbaine sensible ; les zones urbaines sensibles (750) comptent en leur sein des zones franches urbaines et des zones de dynamisation urbaine, et puis des ZUP ! Mais d’où on est ? On est de France, on est de République, on n’est pas d’une zone !
Toutes les politiques publiques — politique du logement, politique de l’emploi, politique de l’éducation, politique sociale, politique de sécurité -, toutes ces politiques seront amplifiées, démultipliées dans les quartiers de nos villes. J’associerai dans un même contrat de ville les actions en faveur des habitants et les politiques en faveur du cadre de vie. Il faut parler plus simple. Les contrats-villes que nous proposerons aux maires des communes concernées associeront l’humain et l’urbain. On ne peut pas dissocier l’humain de l’urbain. On ne peut pas rénover, réhabiliter des immeubles si l’on n’y met pas aussi de l’emploi, de l’animation, de la vie associative. Voilà le sens de ce que je veux proposer.
Trois principes fonderont notre politique :
• principe d’égalité, parce que chacun doit avoir les mêmes conditions pour réussir sa vie ;
• principe de cohérence, parce que les crédits devront être programmés dans le temps, et leur attribution respectée ;
• principe, aussi, de concertation.
Nous aurons à prévoir un nouveau programme de rénovation urbaine. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul crédit venant de l’Etat. Pour terminer le programme de rénovation urbaine PNRU n°1, il a été demandé aux bailleurs sociaux et aux collectivités locales, en fait, de faire le substitut au désengagement de l’Etat. Pire même, la trésorerie des bailleurs sociaux a été captée pour permettre aux opérations d’être achevées.
Dans le programme de rénovation urbaine n°2 que nous aurons à engager au lendemain de l’élection présidentielle, nous aurons d’abord l’obligation d’y intégrer les copropriétés, et pas simplement les logements sociaux. Ensuite, il nous faudra trouver de nouveaux modes de financement. Bien sûr, les collectivités, les bailleurs sociaux continueront d’intervenir. Mais l’Etat devra prendre aussi sa responsabilité. Ce financement passera par un élargissement de la taxe sur les logements vacants et par une taxe sur la cession des terrains à bâtir. La spéculation immobilière financera donc la rénovation des quartiers populaires.
Voilà ce qu’est aussi une politique de redistribution.
Pour mener à bien cette nouvelle politique qui se retrouvera dans un pacte national pour l’égalité territoriale, je créerai, si les Français m’en donnent mandat, au lendemain de l’élection présidentielle, lorsque je formerai le gouvernement de la République, un ministère de l’Egalité territoriale. Ce ministère devra mettre en œuvre cette politique autour de la rénovation urbaine, autour de la cohésion territoriale et autour de ce plan n°2 de la rénovation de nos villes.
Je porte une vision de la France qui est fondée sur l’égalité et la dignité humaine, qui ne distingue pas entre les Français. Tous sont des citoyens à part entière, et non des citoyens entièrement à part.
Voilà la volonté que je veux porter.
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