Conseil Général - Séance extraordinaire Paris Métropole – Jeudi 12 juin 2008
Intervention d’Evelyne YONNET - Conseillère générale d’Aubervilliers – Présidente de la 2ème commission
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"Monsieur le Président,
Chers collègues,
Le débat qui nous réunit ce matin est complexe.
Si complexe que la simple rédaction d’un intitulé raisonnablement consensuel relève déjà d’un choix difficile.
Grand Paris, Région capitale, Paris Métropole, nouvelle gouvernance ou évolution institutionnelle, les termes employés sont déjà porteurs de symbolique.
Et parce que - comme le disait Jacques LACAN : « ce que l’on ne nomme pas, n’existe pas » - il est important qu’ensemble, élus locaux de toutes sensibilités politiques, nous nous emparions du débat pour, progressivement, par l’échange et la confrontation, dédramatiser les mots, tracer des perspectives, et désigner clairement les enjeux réels.
Les enjeux réels, se sont ceux qui concernent directement la vie des 11 millions de franciliens.
Ceux sur lesquels les modalités de l’action publique - au niveau de l’agglomération - gagneraient à être sérieusement revisitées.
Et parmi les sujets réels, nous devrons inscrire en premier lieu l’accès au logement, l’amélioration de l’habitat et la résorption de l’habitat insalubre.
Autant de domaines sur lesquels la multiplicité des intervenants et l’enchevêtrement des compétences constituent de sérieux handicaps pour l’efficacité de l’action publique.
Dans ce domaine, toute évolution sensible devrait logiquement se traduire par une simplification des politiques publiques.
Les opérateurs sont innombrables et les modalités d’actions sont particulièrement complexes. Collectivités locales, agences d’Etat, structures intercommunales, sociétés de HLM, organismes collecteurs, offices HLM, SEM et autres établissements publics en tous genres constituent une force de frappe importante.
Une force de frappe considérable, mais malheureusement trop dispersée.
Car, comme vous le savez chers collègues, l’Ile-de-France, mérite, et de loin, le bonnet d’âne en matière de logement social.
La pénurie de logements sociaux, associée à l’inflation des loyers et des prix de l’immobilier, abouti en bout de chaîne, à reléguer les familles les plus en difficultés dans des appartements ou des hôtels insalubres et surpeuplés.
Rappelons une nouvelle fois qu’en Seine Saint-Denis, plus de 5 000 enfants sont ballottés entre divers modes d’hébergements provisoires.
Une réalité d’autant plus difficile à admettre, quand on la compare à la santé florissante du marché du bâtiment. Le marché de la construction qui bat depuis plusieurs années des records en terme de nombre de mises en chantier.
Une activité bénéfique certes sur le plan économique, mais qui malheureusement, ne concerne qu’une minorité de franciliens, moins de 25 % d’entre eux.
Ainsi, l’action publique est plus que jamais nécessaire. Il apparaît indispensable de redéfinir les politiques partenariales et les compétences, et faire, avec l’Etat, un effort de rationalisation.
A ce stade, une précision importante s’impose.
Autant, l’émiettement des centres de décision locaux pose problème, autant, il ne faut pas en déduire que le retour de l’Etat interventionniste serait bénéfique.
Nous avons bien entendu les déclarations très volontaristes du Président de la République qui souhaite redonner prestige et force au rôle de l’Etat.
Des déclarations confirmées par la teneur de la lettre de mission adressée au secrétaire d’Etat Christian Blanc.
Mais, sur la question du logement, l’Etat, comme les collectivités concernées, devrons surtout faire preuve d’humilité et de pragmatisme devant l’ampleur de la tâche.
Il n’y aura pas de formule magique.
Car, l’action de l’Etat, passée et actuelle, n’est pas exempte, elle-même, de contradictions.
A titre d’exemple, il faut souligner les conséquences paradoxales du programme national de rénovation urbaine.
Celui-ci pourrait se traduire, selon l’Observatoire des Zone urbaines sensibles, par une aggravation de la pénurie de logements sociaux.
La règle du un pour un - une reconstruction pour une démolition – tend, en effet, à devenir de plus en plus virtuelle. Si l’on globalise les chiffres, on est actuellement en réalité, à sept pour dix, sept reconstructions pour dix démolitions.
Le renouvellement urbain reste à l’évidence nécessaire pour sauver des quartiers en difficulté. Mais il faut en admettre les limites et investir également sur des opérations sans doute moins spectaculaires, mais tout aussi vitales.
Je veux parler notamment des opérations qui se situent à l’échelle d’une rue ou d’un bâtiment.
Des opérations qui s’apparentent davantage à de la microchirurgie urbaine : construction de petits programmes de logement sociaux, opérations de réhabilitation lourdes, acquisitions-améliorations, ou encore les travaux de substitutions effectués par les villes dans le cadre des protocoles sur l’habitat insalubre.
Le tout permettant aux familles concernées de conserver leur logement une fois la réhabilitation réalisée, évitant ainsi des procédures de relogement souvent pesantes pour les familles, comme pour les institutions.
Ces opérations doivent être encouragées car elle permettent généralement de diversifier l’habitat, de sortir peu à peu des îlots entiers d’une spirale descendante et de remettre des logements vacants sur le marché.
Au passage, signalons également que sur la question de l’habitat insalubre, un toilettage du partage entre compétences d’Etat et compétences locales serait nécessaire. En particuliers sur la question des Service communaux d’hygiène qui exercent des fonctions qui relèvent de compétences préfectorales.
Monsieur le Président, chers collègues,
le débat institutionnel qui est désormais lancé ne devra pas faire l’économie d’une réflexion courageuse sur l ‘ensemble de la question du logement. Une question vitale pour l’équilibre social et la qualité de la vie dans la métropole.
Rééquilibrage est-ouest, renforcement des solidarités territoriales, complémentarité avec les politiques sociales. Remise à plat des dispositifs d’hébergement d’urgence et mise en œuvre d’un véritable droit à un parcours résidentiel pour les personnes en difficultés. Sur toutes ces questions, les élus de Seine Saint-Denis devront se faire entendre."
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