Conseil Général de Seine-Saint-Denis, Séance du 17 octobre 2010: Plan exceptionnel d’investissement pour les collégiens
Monsieur le Président, chers collègues, je vais juste répondre brièvement et saluer la présence de Jean-Jacques Karman, seul de son groupe à être venu. Je vais donner deux ou trois réponses qui concernent Aubervilliers dont nous avons beaucoup parlé durant cette matinée. Aubervilliers a vu sa population augmenter de plus de 10 000 habitants en à peine 10 ans : de 63 000 à 75 000 aujourd'hui. Un adjoint aux finances de 2003 à 2008 n'a pas procédé à une augmentation d'impôts. Quand on accueille une nouvelle population, il faut pourtant investir. Je rappelle que l'adjoint aux finances était Jean-Jacques Karman. Ceci signifie pas d'école et pas d'autres investissements non plus sur la Ville. Une école a été construite dans le cadre de l'ANRU, et une réellement construite par la Ville. A l'époque, on nous proposait seulement de restructurer nos anciennes écoles, notamment les salles informatiques qui avaient été aménagées pour les enfants pour ouvrir des classes. Les discussions ont été lourdes, nous étions contre à ce moment-là mais nous n’étions pas majoritaires.
Le plan proposé aujourd'hui répond à la demande. J'ai été très sensible à ce qu'a dit le Président Bartolone, notamment sur l'accueil de nos jeunes collégiens. Aujourd’hui, restructurer des collèges, c’est compliqué, ce sont des constructions des années 70, je pense notamment à celui de Rosa Luxemburg, complètement enclavé entre une cité et une copropriété. L'accueil de nos collégiens est important, l'enseignement l’est d'autant plus parce que la communauté enseignante a aussi le droit en Seine-Saint-Denis, département complètement stigmatisé, de pouvoir donner des conditions d’enseignement à nos collégiens plus honorables que celles qu'on leur offre aujourd'hui. S’agissant de l’école Paul Doumer, je rectifie rapidement pour éviter de passer beaucoup de temps sur Aubervilliers : il n'y a aucun retard. Le seul retard est d'avoir mis le temps à choisir ce PPP qui était une lourde responsabilité, et à trouver le terrain où nous aurions pu construire cette école. Dès qu’il a été trouvé, nous avons proposé ce PPP sur lequel la majorité municipale a voté pour. Aujourd'hui, je rejoins ce qu'a dit Gilbert Roger. Il faut construire une école par an pendant quatre ans sur Aubervilliers, c'est dire le retard pris certes par la commune, mais aussi le nombre de collèges annoncés par Claude Bartolone sur ce département. La faute à qui ? L'Etat. Je suis d'accord avec Jean-Jacques - bien sûr qu’il faut continuer la lutte pour récupérer nos 640 M€ - mais ce n'est pas suffisant. C'est une autre démarche qu'il faut continuer, mais il nous faut répondre à la demande de ce département jeune avec un enseignement de qualité et un accueil de qualité pour nos collégiens.
Monsieur le Président, chers collègues, la France vit actuellement une profonde crise sociale, économique et financière, mais aussi morale et institutionnelle. Les réformes gouvernementales se succèdent les unes aux autres, au mieux inopérantes au pire exaspérantes. La population est complètement déboussolée par une politique complètement brouillonne, à l'image de la valse-hésitation de ces derniers jours autour du bouclier fiscal. Pendant ce temps, le chômage (vous avez vu les chiffres dans le Parisien il y quelques jours) poursuit son ascension et tous les indicateurs sociaux s'enfoncent dans le rouge. Dans ce climat de vives inquiétudes face à l'avenir, le système éducatif, en particulier le collège, cristallise tous les problèmes de la société française (ségrégation sociale, faiblesse des moyens publics, manque de perspective pour la jeunesse).
En France, 60 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme de l'enseignement public dont 4 000 pour la Seine-Saint-Denis. Le collège peine à répondre aux énormes besoins nés à la fois de la massification de l'enseignement et des phénomènes de ghettoïsation que nous connaissions trop bien dans la plupart de nos communes. Ainsi, le récent rapport du Haut conseil de l'éducation pointe sans surprise les disparités entre établissements, le malaise des enseignants, l’accroissement des inégalités liées à l’origine sociale et la faiblesse des résultats scolaires, 25 % des collégiens ayant des acquis qualifiés de très fragiles. Utilisant ce bilan globalement négatif, le gouvernement a engagé un mouvement qui conduit patiemment mais sûrement vers la compression massive des moyens allouées aux dispositifs d'éducation prioritaire. Sous couvert de donner un peu plus à quelques établissements, ce processus va inéluctablement conduire à donner moins à tout le monde. Dans un contexte de réduction massive des moyens, ce mouvement est aggravé par la précarisation grandissante de la profession d'enseignant. Faut-il également rappeler le malaise des professeurs débutants, lancés sans filet dans leur classe, avec pour toute formation initiale deux jours de stage ? Faut-il aussi rappeler qu’en trois ans, 45 000 postes d'enseignants ont été supprimés et que conjointement, l'emploi des professeurs vacataires n'a jamais été aussi intensif ? Faut-il rappeler que les heures d'enseignement perdues pour non-remplacement représentent en moyenne plus de 10 % du taux horaire ? Faut-il rappeler que dans un rapport de novembre 2009, la Cour des comptes confirme que la suppression de la carte scolaire renforce la ghettoïsation, amplifie les stratégies d'évitement scolaire, et déstabilise un peu plus les établissements les plus en difficulté ?
Au-delà des vastes débats difficiles, sensibles, autour de l'éducation prioritaire, du collège unique ou encore le socle commun des connaissances, une chose est incontestable : en tant qu'élus de ce département, nous savons qu'il est impossible de faire mieux avec moins de moyens, c'est pourquoi, à notre niveau et malgré la faiblesse de nos marges de manœuvre, nous voulons garder de l'ambition pour notre jeunesse. Qui pourrait nous le reprocher ? L'extension des compétences du Conseil général en matière de vie scolaire nous fait un devoir de tout mettre en œuvre pour permettre de réussir ce moment clé dans la scolarité, que constitue le passage au collège. Les collégiens de Seine-Saint-Denis ont le droit d’étudier dans de bonnes conditions. Il est essentiel d'améliorer les conditions de vie et d'enseignement, et de réconcilier les jeunes avec la vie scolaire.
Nous devons agir et lutter contre tous les clichés négatifs et réducteurs dont souffre encore trop souvent la population de ce département. Il est indispensable de répondre à la poussée démographique enregistrée depuis dix ans et de combler le retard considérable accumulé par le département en termes de rénovation et de reconstruction. A cet égard, l'utilisation du partenariat public-privé est parfaitement justifiée par la situation d'urgence à laquelle il nous faut répondre. Le PPP est une solution technique qui permettra au Département de raccourcir les délais de réalisation des opérations les plus urgentes, et de lisser ainsi leur impact budgétaire. C'est l'option que la municipalité d'Aubervilliers a également choisie pour construire rapidement la nouvelle école Paul Doumer, procédure approuvée à l'unanimité par toutes les composantes du Conseil municipal d'Aubervilliers.
Je me permets aussi d'ajouter que ce plan revêt une importance toute particulière pour la communauté scolaire d'Aubervilliers. Il doit permettre le démarrage rapide de la restructuration tant attendue au collège Jean Moulin ainsi que la construction du nouveau collège indispensable pour la population d'Aubervilliers et de La Courneuve. Je rappelle qu'au moment de la sectorisation, quand Matthieu était venu à Aubervilliers, les chiffres étaient assez éloquents à l'époque et nous parlions, même bien avant cette venue à Aubervilliers, du sixième collège sur cette ville. Enfin, la question des locaux et des moyens matériels n'est évidemment pas déconnectée des activités éducatives et de l'organisation de la vie scolaire. Conditions d'accueil, sécurité, projet éducatif, restauration scolaire, pause méridienne, accès aux sports et aux activités culturelles, cet effort sur l'investissement ne pourra que favoriser une dynamique positive dans le département et renforcer d'une manière générale la qualité du service public de l'éducation. Alors, oui au sixième collège à Aubervilliers à La Courneuve, oui à ce PEI, oui au PPP.
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