Le cumul des mandats est une plaie. Il faut la cautériser. Rien n'interdit de le faire intelligemment. Reprenons tour à tour chacune de ces trois affirmations. Que le cumul soit une plaie tient d'abord à cette évidence, que l'on connaît au moins depuis Goldoni : même Arlequin ne peut servir convenablement deux maîtres. La nation et les collectivités territoriales ont des intérêts qui peuvent être différents voire, à l'occasion, s'affronter. Celui qui est élu des deux penchera d'un côté et abandonnera l'autre. La confusion des genres nuit toujours à l'un d'entre eux au moins, quand ce n'est pas aux deux. Or représenter la nation est une occupation qui est bien digne d'un plein-temps et qui s'exercera d'autant mieux que l'on n'aura que cela à accomplir, ce qui est déjà beaucoup. Ne pas l'admettre est intrinsèquement choquant.Si, à la rigueur, le cumul pouvait se comprendre dans la France centralisée de jadis, où il mettait un peu de liant entre le centre et la périphérie, il est tout à fait hors de saison depuis que la décentralisation a confié des responsabilités lourdes et éminentes aux élus locaux, lesquels, au demeurant, bénéficient, dans leurs relations avec l'Etat, des facilités de toutes sortes que leur offrent les techniques d'aujourd'hui : on peut contacter un bureau ministériel sans pigeon voyageur ou nuits passées dans un train à vapeur. Ce cumul, enfin, est un désastre politique puisqu'il bloque le renouvellement et la diversité d'un corps électif que menacent le vieillissement, l'homogénéité et, avec eux, la sclérose.
Plusieurs centaines de parlementaires en situation de cumul, cela signifie plusieurs centaines de mandats, parfois importants, fermés aux femmes, aux jeunes, à la diversité, qui en auraient pourtant grand besoin et nous tous avec eux. Il y a davantage, presque plus grave encore. La tendance est assez naturelle qui conduit chaque élu à se méfier de tout nouveau venu de son propre parti, surtout s'il semble prometteur. Ne va-t-il pas chercher à prendre la place ? Le plus sûr est alors d'occuper soi-même tout le terrain disponible.
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