Depuis plusieurs semaines, des tunisiens affluent à Lampedusa dans un contexte de bouleversements politiques majeurs en Tunisie. La formidable révolution tunisienne a engendré temporairement une situation sociale difficile pour de nombreux salariés, et particulièrement des jeunes dont les revenus dépendent de l’économie du tourisme . Pour des milliers de tunisiens, il n’est d’autre solution que de chercher un emploi dans d’autres pays frontaliers, parmi lesquels la France occupe une place majeure, afin de sauver leur pouvoir d’achat et ce le temps que la situation se stabilise.
L’attitude scandaleuse de fermeture du gouvernement constitue une faute politique majeure. Car, au-delà de la question humanitaire, il s’agit bien d’un enjeu stratégique pour la France.
Le peuple tunisien, francophone dans son immense majorité, est en train de bâtir une nouvelle ère démocratique tournée demain vers la prospérité qui nécessite dès aujourd’hui une solidarité et de grands projets de coopérations avec l’union européenne. Plus que jamais, le président de la république devrait s’atteler à réparer les effets des graves fautes de la diplomatie française qui ont été interprétées, pour beaucoup de français et de tunisiens, comme une trahison envers un peuple auquel nous sommes tant liés .Malheureusement, plutôt que de revendiquer son amitié, le gouvernement français ne cesse d'endosser les habits de lâcheté et de la bêtise. Qui peut croire que les déclarations et la politique du gouvernement resteront sans effet à terme dans l’opinion tunisienne ? En rejetant ainsi toute possibilité d’accueil temporaire aux tunisiens, la droite prend le risque de voir les générations futures tourner le dos à notre pays et menace gravement notre influence autant que les solidarités qui devraient être inhérentes à l’espace francophone méditerranéen.
Il est temps d’assumer le principe d’une délivrance exceptionnelle de permis de séjour temporaires, assortis d’un accord de coopération avec les autorités tunisienne pour étudier les conditions dignes et régulées de retour. Car, faut-il le rappeler, la plupart des migrants tunisiens n’aspirent qu’au retour.
Au lieu de se tourner vers l’avenir, en expliquant aux français les enjeux stratégiques qui se jouent, au lieu de dire pourquoi la France se doit, par fidélité, par amitié mais aussi pour ses propres intérêts, de faire un effort particulier avec les tunisiens, le gouvernement sombre dans la bassesse et la courte vue démagogique. Le rôle d’un gouvernement dans une démocratie, c’est de s’adresser à l’intelligence de ses citoyens, et non pas d’attiser les peurs. Il existe une autre voie : la coopération économique et politique pour aider la Tunisie dans le chemin démocratique qu’elle s’est choisie et des mesures provisoires permettant de réguler les désordres. Les français, et plus largement les européens, peuvent le comprendre et seraient mieux honorés ainsi que par le pitoyable jeu de ping-pong engagé par les gouvernements de l'Union européenne.
Pouria Amirshahi, secrétaire national à la coopération, à la francophonie, au développement et aux droits de l'Homme
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