Monsieur le Président... Vous aviez dit zéro SDF... Vous achevez votre mandat en diminuant de manière drastique les budgets alloués à l'hébergement. Pour nous, professionnels de l'urgence sociale, ç'en est trop.
Vous misez sur la stratégie du logement d'abord, celle-ci visant à «substituer les places d'hébergement par des places de logement». Bien entendu, nous soutenons la philosophie de cette nouvelle politique. Mais Monsieur le Président, quel écart entre la stratégie affichée et ce que nous observons, chaque jour sur le terrain! Aujourd'hui, en optant pour la restriction des financements accordés à l'hébergement, vous condamnez tout simplement, en dépit de la loi, des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants à l'errance, l'insécurité de chaque nuit, l'épuisement et la désocialisation. Ce dramatique naufrage a ses raisons...
«Conduire les personnes directement au logement» nécessite en premier lieu... des logements
Avant de pouvoir proposer des solutions de logement aux personnes que l'on sort des places d'hébergement, il faut disposer de logements. Malheureusement vous ne semblez pas partager cette logique implacable, puisque actuellement, on remet des personnes à la rue, on supprime des places d'hébergement et après seulement, peut être un jour, on construira des logements. M. Apparu annonce l'ouverture de 4500 «places de logement» (le fruit de captations dans le parc privé)? Aujourd'hui, les associations n'en disposent que de 1500. Cette annonce était pourtant dérisoire par rapport aux besoins repérés, besoins amplifiés par la fermeture des structures d'urgence. Il faudra des années de politique ambitieuse pour rattraper le retard en terme de construction pris ces dernières décennies.
Le démantèlement du secteur de l'hébergement
Certaines personnes et familles pourraient accéder directement et immédiatement au logement autonome. Beaucoup demeurent néanmoins à la rue ou en centres d'hébergement, faute d'un nombre de «places de logement» suffisant.
D'autres, en revanche, ont besoin d'accompagnement et sont accueillies en Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Ces mêmes CHRS que l'on supprime actuellement. La suite est prévisible... Les personnes n'ayant plus accès à ce dispositif se dégraderont physiquement et psychologiquement dans la rue. Si des «places de logement» peuvent un jour leur être proposées, la collectivité paiera ces mois ou années passés dehors, contrainte de financer un accompagnement justifié par la désocialisation à laquelle nous exposons aujourd'hui les personnes concernées. La rue broie: elle broie le corps, l'espoir, les codes... et condamne à des logiques de survie qui éloignent les individus des normes communément partagées.
Enfin, il convient de rappeler que certaines personnes ou familles ne peuvent accéder au logement, faute de ressource ou de titre de séjour. Or, l'hébergement est un droit, un droit opposable. L'Etat français se doit de le leur garantir.
«Conduire les personnes directement au logement» nécessite pour certains... un accompagnement
Si, l'accès direct au logement des grands exclus ne relève pas du mythe, il n'est possible qu'à condition de proposer conjointement un accompagnement médico-social renforcé. Pour un certain nombre d'individus que nous rencontrons, il leur faut réapprendre et reprendre goût à habiter. La mise en place de cet accompagnement est un investissement sur l'avenir, celui qui permettra plus tardde supprimer des places d'urgence, de CHRS et de faire des économies en termes de dépenses de santé. Condition de l'efficacité de cette réforme, l'«accompagnement vers et dans le logement» — l'un des éléments clef de la politique du logement — demeure pourtant, aujourd'hui, une «coquille vide».
Monsieur le Président, vous avez la possibilité d'engager une réforme ambitieuse qui favoriserait les «sorties de rue» et permettrait à l'Etat de faire des économies à moyen terme. Aujourd'hui pourtant, vous condamnez cette réforme et sacrifiez des milliers de personnes sur l'autel d'une vision de court terme. Il est grand temps d'entendre la voix du terrain et des associations. Nous ne pouvons plus continuer à «bricoler» et «faire avec». Votre réponse est lourde d'enjeux. Il en va de destins humains, de notre éthique professionnelle, de la solidarité nationale et du maintien du pacte social.
La démission de Xavier Emmanuelli du Samu social est très significatif d'un gouvernement qui n'a fait qu'augmenter la misère et la pauvreté et n'a pas tenu ses promesses. J'ai signé l'appel lancé par le Nouvel Obs pour rappeler à Sarkozy que son discours contre la pauvreté tenu en 2006 n'était pas en accord avec ses actes durant son quinquennat.
Rédigé par : Aurel | 10 août 2011 à 04:06