Par Marc Guerrien
Le vote des militants socialistes à l’échelon national a montré qu’aucune des 4 principales motions ne s’est approché de la majorité, entretenant une situation politique complexe à moins d’une semaine de l’ouverture du Congrès de Reims. La motion de Ségolène Royal est clairement arrivée en tête. Cependant, ce succès reste relatif, puisqu’elle a réuni moins de 30 % des suffrages. Le score des motions Delanoë et Aubry (autour de 25 %) est solide, mais décevant pour ceux qui, comme moi pour la Motion A, espéraient que se dégage clairement un ensemble majoritaire, ou proche de l’être. Enfin le score de la Motion C (19 %) n’est finalement pas très éloigné des autres, si bien que l’on se retrouve avec 4 blocs de tailles inégales mais comparables, qui devront composer les uns avec les autres pour dégager un axe majoritaire.
A mon sens, les discussions dans le cadre du Congrès de Reims devront permettre trancher trois questions clefs, dont dépendront le visage de la future majorité :
1) La question des alliances politiques et d’un éventuel contrat de gouvernement avec le MODEM. François Bayrou a une analyse selon laquelle il pourrait se retrouver au 2ème tour de la prochaine présidentielle grâce à un accord avec le PS. En gros, Bayrou se dit : le PS est un parti sans vrai leader, je suis un leader sans vrai parti. Evidemment, la ficelle est un peu grosse, c’est pourquoi aux divergences de fond existant entre le projet socialiste et celui du MODEM, notamment sur les questions économiques et sociales, s’ajoute cette dimension tactique qui fait que la majorité des socialistes sont très méfiants vis-à-vis d’une telle approche. Ségolène Royal a une position différente puisqu’elle n’exclut rien, y compris un accord politique réciproque avec François Bayrou à la présidentielle à l’instar de ce que le PS fait traditionnellement avec ses partenaires de gauche. Cette position l’isole sur cette question, si bien que l’on imagine mal les autres motions, nettement majoritaires sur ce point, s’aligner sur sa position au Congrès.
2) La question de l’organisation du parti. Ségolène Royal semble avoir progressivement atténué une position initiale où, au lendemain des élections présidentielles de 2007 (alors qu’elle se sentait sans doute potentiellement majoritaire dans le parti), elle prônait une véritable présidentialisation calquée sur le modèle de l’UMP. La démocratie participative laissait d’un coup la place à une conception très verticale du pouvoir. Depuis, la position de Ségolène Royal s’est adoucie, mais elle semble rester la plus éloignée des trois autres principales motions, qui défendent une organisation plus classique de l’organisation du travail du parti et de la démocratie en son sein. Là encore, on voit mal pourquoi les représentants de ces motions, qui ont rassemblés près de 70 % des suffrages des militants, s’aligneraient sur une position soutenue par seulement 29 % d’entre eux.
3) La question du choix du nouveau premier secrétaire. Les résultats du 6 novembre montrent qu’aucun des quatre principaux leaders en lice ne s’est démarqué et n’a suscité une adhésion massive. Partant de là, le premier secrétaire sera forcément une personnalité de compromis. Ségolène Royal et Bertrand Delanoë, qui ont mis depuis longtemps en avant la question du leadership en tablant une avance nette en leur faveur, peuvent difficilement, au vu de leur mince avance à l’arrivée, être ces premiers secrétaires de compromis. Et si Bertrand Delanoë ne peut pas être premier secrétaire, on voit mal comment Martine Aubry, arrivée légèrement derrière lui, le serait. Quant à Benoît Hamon, leader dans cette campagne de la gauche du parti et arrivé en 4ème position, il ferait un bon candidat mais on imagine sans mal les réticences que va rencontrer sa candidature au sein des autres motions. Le premier secrétaire de compromis pourrait donc être trouvé ailleurs. Dans ce cas, deux approches sont possibles. Soit l’on part de la motion arrivée en tête, celle de Ségolène Royal, qui proposerait un candidat acceptable par tous les autres dans le cadre d’une synthèse (type Vincent Peillon). Cette approche dépendrait toutefois de la résolution des points 1) et 2), et un tel candidat ne devrait pas être trop perçu comme le « lieutenant » de Ségolène Royal, ce qui semble par définition difficile. L’autre option, celle que je défends, est de partir du fond, autrement dit des degrés de convergences entre les différentes motions. Dans ce cas, le rapprochement dans un premier temps des motions de Bertand Delanoë et de Martine Aubry me semble le plus naturel, pour former un bloc central pesant la moitié des militants. Ce bloc central serait susceptible ensuite d’agréger autour de lui les amis de Benoît Hamon, voir de Ségolène Royal. Dans ce cas de figure, souhaitable à mon sens, le candidat au poste de premier secrétaire devrait être une personnalité crédible issue de l’une de ces deux motions « centrales », et n’étant pas être trop identifiée comme le lieutenant d’un « présidentiable ». Pierre Moscovici pourrait être ce candidat de compromis par excellence, puisqu’il n’est un « lieutenant » ni de Bertrand Delanoë, ni de Martine Aubry, tout en ayant signé et défendu la Motion A (celle arrivée en tête au sein de ce « bloc central ») et en comptant de nombreux amis au sein de la motion D. Par ailleurs, le fait de s’être positionné depuis longtemps comme celui souhaitant remettre le parti au travail en mettant la question du leadership au second plan, en organisant des conventions sur le projet, en remettant les militants au centre de l’organisation du parti, etc., ferait de Pierre Moscovici le meilleur premier secrétaire dans la situation éclatée dans laquelle se trouve actuellement le parti.
Réponse le week-end prochain à Reims.
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