« Vagin ! Au mieux on dirait le nom d’une infection, ou d’un instrument chirurgical : Infirmière, vite, passez-moi le vagin. Vagin. Vagin. Vous pouvez le répéter autant que vous voulez, il n’a jamais l’air du mot que vous voulez dire. » La moustache relevée, le sourire aux lèvres, Jacques Salvator, le maire PS d’Aubervilliers, répète sa réplique, sous la houlette de sa responsable de communication, Nawel Ddjouder, métamorphosée en metteur en scène. « Vous avez vu, ils m’ont laissé la partie médicale », sourit l’édile, médecin de profession.
Demain, une dizaine d’élus d’Aubervilliers interpréteront dans la salle des mariages de l’hôtel de ville « les Monologues du vagin », la pièce désormais célèbre d’Eve Ensler. Un texte militant qui ne manque pas de résonance dans cette ville cosmopolite où les rapports hommes-femmes revêtent les formes les plus diverses et où parler sexe et plaisir reste encore très tabou. « Lire ce texte le soir de la Journée internationale des femmes est très symbolique. C’est un clin d’oeil au théâtre, très présent dans cette ville. C’est surtout un cadeau à la population. Aubervilliers n’a pas de tabou », martèle Jacques Salvator.
« Un acte politique »
L’idée est née il y a quelques mois dans la tête de Soumia Zahir, conseillère municipale en charge des droits des femmes. « Pour moi, faire
lire ce texte par des élus, en mairie, c’est faire de la politique. Ce texte est joué depuis des années à Paris. Il me paraissait important qu’il le soit aussi ici, dans une ville du 93, étiquetée banlieue », explique la jeune femme.
Concentrés, les yeux rivés sur leur texte, les comédiens en herbe enchaînent les répliques, drôles, émouvantes, tragiques : « 80 à 100 millions de petites filles et de jeunes femmes ont subi des mutilations génitales », « Le clitoris n’est qu’une simple boule de nerfs. Huit mille terminaisons nerveuses, pour être tout à fait précis »…
« Il y a des gens à qui ça va plaire, d’autres qui vont détester… Mais c’est aussi ça notre rôle d’élus : susciter le débat », estime Mounia Harkati, conseillère municipale aux besoins sanitaires. « Il y a encore beaucoup de tabous à faire sauter dans cette ville, et notamment dans les quartiers, autour de la sexualité, de la notion de plaisir, des rapports hommes-femmes… Lire ce texte est un acte politique fort. Il était important que des élus hommes le lisent aussi », renchérit Benoît Logre, adjoint au maire aux politiques sociales." (Le Parisien - 6 mars 2009)
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