Par Abel Pastel 23 février 2009
La Guadeloupe et la Martinique – bientôt la Guyane et la Réunion ? - sont frappées de plein fouet depuis plusieurs semaines par un mouvement social sans précédent. En l’espèce, et pour la première fois, c’est la population entière qui s’est mobilisée pour manifester par plusieurs dizaines de milliers sur les boulevards de Fort-de-France et de Pointe à Pitre et de Paris. Preuve s’il en était besoin, que les principales revendications : La baisse des prix à la consommation et la revalorisation des salaires les plus bas sont la préoccupation de tous, jeunes, classes moyennes, intermittents du spectacle, étudiants, enseignants, et tout particulièrement ceux qui relèvent du SMIC ou du RMI. En Martinique, ces derniers, sont plus de 70 000 sur 400 000 hab.
Faut-il le dire, ce mouvement social constitue en fait, l’apogée d’une série de secousses que depuis des décennies, les gouvernements traitent de manière légère. Malheureusement, il est à craindre qu’une fois encore, l’on se contente d’administrer quelque potion au malade pour faire baisser la fièvre, au lieu d’en rechercher et traiter la cause. Faudrait-il encore pour cela de bons médecins ! Or voici que Fillon flanqué d’un Jégo démonétisé lors d’une conférence de presse puis Sarkozy, en catimini en séance de rattrapage sur RFO se sont contentés d’évoquer la crise, de proposer quelques mesurettes, sans en évoquer l’origine. Cette crise est en fait la conséquence de l’aggravation d’un mal structurel qui chaque jour, enfonce les Antilles dans un coma économique et une débâcle sociale. Quand bien même s’agirait-il d’en traiter les effets, le plan de relance de Nicolas Sarkozy axé exclusivement sur les investissements, appliqué aux Antilles y serait totalement inopérant.
Oublie-t-on
que depuis les années 60, le parc industriel et productif des Antilles a été sciemment
démantelé au profit d’un système machiavélique et quasi-mafieux d’import-export
exclusif et par conséquent d’une consommation frénétique de produits en
provenance à 95% de France et d’Europe. Résultat, une balance économique en
déficit chronique. En 2002,
la Martinique
exportait pour 2 milliards d’euros, lorsqu’elle en importait pour 12.3 milliards.Aujourd’hui, c’est bien ce système qui est en faillite. Sans concurrence, jouant sur les deux tableaux de l’import (tout) et de l’export (bananes), profitant des largesses de l’état, (50 millions d’euros de prêt, transformés en subventions selon les propres aveux de M. Eric de Lucy, grand patron de la banane antillaise), se repaissant d’une collusion de fait (Alain H. Despointes, apologiste présumé de crime contre l’humanité, bailleur attitré du Préfet de région qui, - le feu aux trousses - a du déménager), bénéficiant d’une étrange immunité dans de nombreuses affaires financières (Crédit martiniquais), l’ancien lobby du sucre, devenu lobby du tourisme dans les années 60/70, puis enfin lobby du commerce exclusif, aura trop tiré sur la ficelle. Nous en sommes arrivés au blocage, voire à la rupture.
Malheureusement, il faudra bien plus qu’un Jégo et deux Fillon pour sortir les Antilles de leur marasme. Car pour ce faire, il faudra mettre à plat, pièce par pièce, toute cette pyramide complexe. Ils en sont incapables !
Dans le court terme, il est notamment urgent de :
-
Légiférer une
augmentation significative des salaires les plus bas (-de 1.4 SMIC p.e).au
titre d’une indemnité de vie chère. (identiques aux 40%, devenus depuis
quelques années 25% pour les jeunes fonctionnaires). Cette mesure pouvant être
financée par les collectivités, les entreprises et l’Etat qui pour la
circonstance, accorderaient à ces dernières certains aménagements fiscaux.
-
Mettre en place un
observatoire pour le contrôle minutieux de la concurrence et des prix.
-
Scanner la structure
des coûts des facteurs (transports,
intrants), et toute la grille de calcul des prix d’un bon millier de familles d’articles. (gros et petits
commerçants)
-
Démanteler tous
les dispositifs insidieux qui pénalisent les échanges avec les pays avoisinants
(USA, Brésil, Venezuela, etc.). Mieux, favoriser ces échanges.
-
Démanteler les
systèmes mafieux de concurrence truquée et les monopoles de fait (Total)
-
Entamer des
discussions avec le Venezuela pour bénéficier de l’initiative Petrocaribe
-
Moraliser les
dispositifs de défiscalisation, en associant effectivement à la décision
d’attribution d’agrément, une commission comprenant des élus locaux.
-
Mettre en place
une politique volontariste d’antillanisation
des cadres de l’administration, de l’éducation et des forces de l’ordre
(gendarmerie).
-
Prélever un
pourcentage significatif des mises des jeux de hasard (240 millions €/an) pour
abonder le financement d’emplois dans l’environnement
et l’industrie culturelle, aussi bien que le financement de programmes
télévisuels régionaux et des allocations logements.
- Mettre fin au racket des providers d’Internet et de téléphones cellulaires (Orange, Digicel, Only, etc.).
La route peut paraître longue, mais bien balisée, elle devrait mener à bon port. Notre parti doit s’y préparer avec la réelle volonté de tirer les Antilles vers le vrai développement. Notre parti doit notamment :
1 Rompre dans les faits, avec les vieux clichés d’antan.
2
Entamer sans plus
tarder des discussions sérieuses et respectueuses avec les responsables politiques
et les membres de la société civile des Antilles, en vue d’élaborer ensemble,
un plan consensuel de développement des DOM.
3
Donner l’exemple en ouvrant aux antillais la porte aux
responsabilités auxquelles ils ont droit.
C’est ainsi qu’entre autres, pourront se renouer les fils de la confiance qui, aujourd’hui, paraissent bien ténus.
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