Réponse de Jean-Paul Huchon à la tribune de l’architecte Jean Nouvel, intitulée «Le projet du grand Paris est menacé de s’enliser dans la confusion», publiée dans le Monde du 21 octobre 2009
Lien vers le texte de Jean Nouvel
Ambiguïtés, fausses pistes, vrais dénis démocratiques, dialogues de sourds…Le feuilleton du Grand Paris est-il le produit du hasard ou la résultante d’une erreur de casting ? Ce feuilleton devait dessiner un avenir ambitieux et partagé, apportant des réponses concrètes aux attentes des millions de Franciliens.
Ce feuilleton interrompu par le dépôt controversé d’un projet de loi réducteur, conflictuel et sans doute inapplicable, peut-il encore rebondir ? Je veux le croire. Et je crois nécessaire de l’alimenter en tant qu’élu régional, acteur de cette formidable aventure.
Si Jean Nouvel a joliment décrit les méandres du Grand Paris, il n’en décrypte pas tout à fait le véritable cours.
Une ville durable mise sur la densité et la qualité urbaine. Cela passe par un investissement massif dans les transports urbains et par une priorité accordée à la desserte fine des territoires les plus denses. L’enjeu est bien de créer un réseau banlieue-banlieue. C’est le sens du Plan de mobilisation pour les transports, conçu et financé par la Région et les départements franciliens, qui se battent pied à pied face à un secrétaire d’Etat obnubilé par un improbable grand huit.
Sur ces questions, nous sommes tous (ou presque) d’accord. L’élaboration du SDRIF (Schéma d’aménagement de la Région Ile-de-France) par les conférences citoyennes, les travaux des architectes et les acteurs de l’aménagement (Région, élus locaux, Paris Métropole) l’a prouvé.
Le SDRIF est sans doute perfectible, adaptable, mais il n’est pas en décalage avec les principes que je viens de rappeler et que les architectes ont repris à leur compte (transports en surface plutôt qu’en souterrain, nouveaux quartiers où les espaces verts jouent un rôle structurant, logements autour des nœuds de transports). De multiples projets urbains sont aujourd’hui prêts à démarrer. C’est pourquoi Paris Métropole a décidé de solliciter les dix équipes d’architectes pour les concrétiser.
Mais au-delà, il y a encore matière à débat. Deux positions de Jean Nouvel m’étonnent encore.
Le premier tient au projet métropolitain.
Est-ce une affaire de nombres de pôles d’excellence ? Clairement non. Bien sûr, le développement de la métropole passe par l’identification de sites stratégiques dont l’évolution est indispensable. Mais au fond, c’est bien la cohésion territoriale et sociale du tout qui est décisive. Nous sommes face à des choix très concrets qui détermineront la mixité de la ville de demain. Combien de nouvelles stations de métro faut-il créer pour que l’accès de tous aux transports collectifs ? Où faut-il construire les logements, et plus particulièrement le logement social, pour éviter les heures perdues dans les transports ? Quels équipements faut-il construire pour résorber les inégalités écologiques ? En matière d’inégalités, nous avons fort à faire et il faut y revenir sans cesse, en faire le critère de choix contraints par le temps, l’espace ou les moyens budgétaires. « L’art conteste le réel, mais ne se dérobe pas à lui » écrivait Camus dans l’Homme Révolté. Ne nous dérobons pas à ce combat pour l’égalité !
Le second tient bien sûr au pilotage. Il faut changer de secrétaire d’Etat dit Jean Nouvel. La vraie question est : l’Ile-de-France a-t-elle besoin d’un secrétaire d’Etat ? Pourquoi s’étonner sinon, d’aboutir à un projet de loi Grand Paris, dont le décalage avec les travaux d’architectes est au moins à la mesure du déni démocratique qu’il pose. Le Gouvernement a eu beau dénigrer les élus, leur conservatisme supposé, il ne pourra pas convaincre qu’ils sont illégitimes, qu’ils n’avaient pas compris les enjeux, qu’ils ne s’étaient pas mis en mouvement.
L’Etat vient de perdre 18 mois en tentant de démontrer que les élus ont besoin de « lui » pour aller plus vite. On perdra des mois pour voter un texte mal né. On perdra encore plus de mois pour produire des décrets d’application… inapplicables. Des années pour créer une Société du Grand Paris qui ressemble à un « machin »… Oui, j’ai cité l’Homme Révolté et cette révolte je la sens présente chez beaucoup de responsables franciliens de toutes sensibilités politiques. Je crois qu’il est temps de l’exprimer en replaçant le débat au fond.
Oui, vraiment merci M. Nouvel d’avoir redonné du sens à ce débat ou permis de le continuer.
JEAN-PAUL HUCHON, Président du Conseil régional Ile-de-FranceGrand
Les commentaires récents