Quel que soit le résultat des élections
municipales ou des cantonales, la guerre fratricide qui s’est ouverte à
gauche en Seine-SaintDenis va laisser des traces. Rarement la
sacro-sainte «discipline républicaine», qui veut que lors d’une
primaire à gauche le candidat devancé se désiste ou fusionne sa liste
avec le vainqueur, n’a été autant malmenée.
Foire d’empoigne. Bizarrement, ce n’est pas le conseil général
qui a posé problème. L’affaire est pliée : les communistes céderont la
présidence aux socialistes. Après le renouvellement de 2004, ils
étaient à égalité : 15 PS et 15 PCF (sur 40). Dimanche, les socialistes
sont arrivés en tête dans deux cantons jusqu’ici détenus par les
communistes, Montreuil-Nord et Saint-Denis-Sud. Avec 17 PS contre
13 PCF, il n’y a plus photo : le fauteuil présidentiel reviendra au
fabiusien Claude Bartolone.
Mais, pour les municipales, l’entre deux tours a viré à la foire
d’empoigne. Sur 12 maires sortants de gauche encore en ballottage,
9 affronteront une liste concurrente, socialiste, communiste ou verte.
Le cas le plus emblématique est celui d’Aubervilliers. Au premier tour,
le maire communiste, Pascal Beaudet, a obtenu 34,94 % des voix. Son
ex-adjoint socialiste Jacques Salvator est arrivé juste derrière avec
31,95 %. Heureusement pour eux, le Modem, emmené par Thierry Augy
(17,56 %), a aussi refusé la fusion avec la liste UMP de Fayçal Ménia
(11,84 %). Les deux se maintiennent, provoquant une quadrangulaire.
Aubervilliers est certes un cas particulier, les socialistes
refusant la présence sur la liste Beaudet de Jean-Jacques Karman,
communiste ultraorthodoxe qui s’était présenté contre l’ancien maire
communiste refondateur Jack Ralite en 1995 et en 2001. Mais la
discipline républicaine n’a pas fonctionné dans quatre autres communes,
et non des moindres : Saint-Denis, Bagnolet, La Courneuve,
Noisy-le-Grand. Sans oublier Dominique Voynet contre Jean-Pierre Brard
à Montreuil, et Michel Bourgain, maire (Verts) de l’Ile-Saint-Denis,
qui doit affronter une liste PC-PS.
«Nous avons proposé la fusion sur la base des résultats du premier tour»
(42 % PC, 22 % PS), assure Georges Sali, qui conduisait la liste
socialiste à Saint-Denis, contre le maire communiste sortant Didier
Paillard : «I
l nous a proposé 2 conseillers éligibles sur 53 !» Sur le fond, les socialistes, à Saint-Denis comme à Aubervilliers, reprochent aux communistes de «tirer vers le bas» leurs villes pour préserver leur électorat.
«Ils reprennent l’argumentaire habituel de la droite», se défend Didier Paillard : «C’est
vrai qu’à Saint-Denis le revenu par habitant est faible, parce que nous
accueillons les familles pour qui l’immobilier parisien est devenu
inaccessible. Cela ne nous a pas empêchés de créer 20 000 emplois sur
la communauté d’agglomération, à Plaine Commune.»
«De toute façon, nous n’avions pas le choix», assure Jacques Salvator, chef de file des socialistes d’Aubervilliers : «Si
nous ne les devançons pas dimanche, nous passerons six ans dans
l’opposition. Mais, au moins, nous serons crédibles pour critiquer leur
gestion.»
«S’il n’y a pas d’alternative à gauche, ce sera comme en 2001 où
l’on a vu Drancy ou Noisy-le-Sec basculer directement à droite», prédit Daniel Goldberg, élu député PS en 2007 dans la circonscription de la communiste Muguette Jacquaint.
Chez les socialistes, ce choix stratégique fait grincer des dents. «Qui a décidé de lancer cette guerre injuste et stupide ?»
interroge Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l’Essonne. Au siège du PS,
rue de Solférino, c’est pour l’instant le silence radio. Il est vrai
que le secrétaire national chargé des élections n’est autre que Bruno
Le Roux, député d’Epinay-sur-Seine, ville perdue par la gauche en 2001.
Primaire. Cette stratégie pourrait faire le bonheur de la droite. «Les communistes ont bien résisté à l’offensive des socialistes et se sont montrés plus malins qu’eux», analyse en connaisseur le député et maire UMP du Raincy, Eric Raoult. «Et, pour nous, c’est une bonne chose, ajoute-t-il. Les communistes sont de meilleurs adversaires.»
La droite espère conserver de justesse Aulnay-sous-Bois, en misant sur
le peu d’enthousiasme des électorats communiste et Modem à voter
socialiste. Et limiter ses pertes à Villepinte, où la liste de Nelly
Roland, étiquetée «divers gauche» mais très proche du maire communiste de Tremblay, François Asensi, pourrait l’emporter.
Dans ces deux villes, l’union de la gauche a été de règle, ainsi
qu’à Noisy-le-Sec, face à une sortante Modem. Et à Pierrefitte, la
maire communiste, Catherine Hanriot, a reconnu la victoire socialiste
en primaire. Mais partout ailleurs c’est bien la guerre PCF-PS qui fait
rage.
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